Catherine Le Grand-Sébille

Socio-anthropologue de la santé
Maître de conférences honoraire des universités
Vice-présidente de l’association de chercheurs « Questionner Autrement le Soin »

Bonjour Catherine. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre métier lié à la mort ?

Socio-anthropologue depuis une trentaine d’années, enseignant-chercheur en faculté de médecine, j’ai beaucoup travaillé sur ce que l’on peut nommer des « morts diffciles » : celles des fœtus et nourrissons, des enfants et adolescents, mais aussi les morts de la canicule de 2003, ou ceux du COVID tout récemment.

Qu’est-ce qui vous a amené à votre métier ?

J’ai eu la chance de faire, dans les années 1990, ma thèse de doctorat en anthropologie sociale avec Françoise Zonabend, directeur de recherche à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales qui s’est toujours intéressée à explorer les zones d’ombre de notre société. Le silence sur la mort (et plus encore sur les morts périnatales) qui régnait dans ces années-là en faisait partie. J’ai donc été encouragée à développer la connaissance et la reconnaissance de ces morts devenues socialement invisibles avec la médicalisation de la naissance tout au long du XXe siècle. Nous nous sommes rapprochées de l’historienne Marie-France Morel et des deux médecins Anne-Sylvie Valat et Maryse Dumoulin pour penser et dévoiler ensemble, la complexité de ces décès dérobés et du deuil que traversaient les couples, les familles.

Quel est votre rôle avant, pendant, ou après le décès de la personne ?

Grâce à de nombreuses études qualitatives menées auprès des familles endeuillées, j’ai pu participer à la sensibilisation des soignants ou des professionnels du funéraire sur ce qu’éprouvent des parents, des fratries, des grands-parents, quand manque l’attention ou la considération à leur égard. Ils ont tant besoin des autres, dans ces moments de grande solitude, besoin de leur soutien, de leur présence. J’ai pu aussi former plusieurs équipes sur l’importance des rites qui permettent collectivement d’exprimer à la fois le chagrin et la solidarité. Importance aussi du dernier vêtement, du besoin de partager ensemble du sens, mais aussi boissons, nourritures et relations. Bref, alerter sur les dimensions symboliques et sensorielles qui sont au moins aussi nécessaires que les aspects techniques et réglementaires.

Qu'est-ce qui est essentiel pour vous dans ce que vous faites et que vous pouvez apporter ?

C’est vraiment une chance d’avoir pu travailler depuis si longtemps sur la mort et les pratiques sociales qui l’entourent, et d’avoir pu observer activement toutes les transformations que notre société a pu connaître et connaît encore. Je continue à le faire avec les chercheurs réunis dans l’association Questionner Autrement le Soin, où très librement mais avec sérieux, nous nous saisissons de sujets  de recherche qui gênent encore les institutions universitaires et académiques telles que l’erreur médicale, les violences institutionnelles, ou encore la confiscation des défunts et des rites avec la crise sanitaire qui nous éprouve tant actuellement.

POUR FINIR, QUELQUES MOTS POUR RÉSUMER VOTRE MÉTIER…

Participer modestement à modifier notre regard sur la mort, à faire entendre ce qui resterait inaudible dans la seule optique bio-médicale, ce n’est vraiment pas triste. C’est surtout stimulant et sans doute utile… pour mieux vivre.

Pour en savoir plus…

Découvrez l’article La mort, le deuil, les rites en période de pandémie écrit par Catherine Le Grand-Sébille dans le Hors-série d’octobre 2020 des Cahiers de l’Espace Ethique sur le thème « Au cœur de la pandémie du coronavirus – Vivre, décider, anticiper… »

Lire l’article

Dans le cadre de la deuxième édition des Rendez-Vous Mortels, nous retrouverons Catherine Le Grand-Sébille lors de la conférence du 30 octobre

Accompagner les morts, soutenir les vivants. Quand l’empêchement des rites funéraires au temps du COVID révèle leur importance.

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